Depuis les années 1990, une partie de la sociolinguistique française et francophone (mais aussi plus largement européenne) a tendance à s’intéresser massivement aux phénomènes langagiers observés en milieu urbain. On peut justifier cet intérêt par des motivations théoriques, mais aussi sociales, comme nous aurons l’occasion de le voir. Ce domaine de recherche pourrait passer relativement inaperçu s’il n’avait parfois tendance à occulter les autres domaines du vaste territoire de la sociolinguistique, qui suit à l’heure actuelle deux orientations majeures très marquées et parfois croisées : l’étude des représentations linguistiques (avec un retour en force de la psychologie sociale) et l’étude des phénomènes langagiers en milieu urbain. La première tendance pose des problèmes théoriques, méthodologiques et épistémologiques qu’il conviendrait d’examiner plus longuement.

La deuxième tendance est beaucoup plus problématique. On peut parler à l’heure actuelle d’un certain engouement pour la sociolinguistique (dite) urbaine. Cet intérêt pour les phénomènes langagiers urbains se lit aisément dans les thèmes de deux colloques internationaux s’étant déroulés à dix ans d’intervalle : celui de Dakar (« Des langues et des villes », 15-17 décembre 1990) et celui de Libreville (« Les villes plurilingues », 25-29 septembre 2000), ce dernier pouvant implicitement être considéré comme un colloque de « sociolinguistique urbaine » tant l’expression a été employée dans les communications et les discussions.